26 avril 2023Les évolutions réglementaires de la téléexpertise

Les évolutions réglementaires de la téléexpertiseLes évolutions réglementaires de la téléexpertise

Mis à jour le 09/10/2023

L’usage de la téléexpertise n’a cessé de s’accroître depuis sa naissance en 2010 et s’est considérablement accéléré ces dernières années : rien qu’entre janvier 2022 et janvier 2023, nous avons constaté une multiplication par 10 du nombre de téléexpertises réalisées sur Omnidoc.

Si la téléexpertise a évolué de façon aussi positive, c’est bien sûr parce qu’elle répond à un véritable besoin mais aussi parce qu’elle a été soutenue par l’Assurance Maladie qui n’a cessé d’assouplir son cadre réglementaire et d’élargir ses conditions d’accès aux patients et aux professionnels de santé.

Toutes ces évolutions réglementaires ont toutefois pu causer un peu de confusion chez les acteurs du monde médical. Nous vous proposons donc de faire le point sur la situation réglementaire de la téléexpertise aujourd’hui et de revenir sur l’histoire de ces évolutions réglementaires.

Évolutions de la téléexpertise : où en est-on aujourd’hui ?

La téléexpertise est accessible aujourd’hui à quasiment tous les professionnels de santé et pour tous les patients. Il subsiste néanmoins des différences : tous les professionnels de santé ne peuvent pas donner d’avis et tous ne peuvent pas coter un acte pour leur demande.

Nous vous proposons ci-dessous un tableau récapitulatif de l’accès à la téléexpertise en fonction des différentes professions de santé :

Requérant :

peut demander une téléexpertise

Cotation :

peut coter sa demande d’avis (lettre clef RQD)

Requis :

peut rendre un avis et coter l’avis rendu (lettre clef TE2)

Infirmiers x x
Orthophonistes x x
Kinésithérapeutes x x
Pédicures-podologues x x
Auxiliaires de santé

(hors kinésithérapeutes, infirmiers, orthophonistes et pédicures-podologues)

x
Chirurgiens-Dentistes
Sages-Femmes x x x
Médecins spécialistes en médecine générale x x x
Autres médecins spécialistes x x x

Quelques précisions à avoir en tête :

  • Les lettres-clefs à saisir pour coter une téléexpertise diffèrent selon les cas :
    • Les demandes de téléexpertise sollicitées par les professionnels de santé requérants doivent être facturées avec la lettre-clef RQD (rémunération à l’acte).
    • Les avis rendus par des professionnels médicaux dans le cadre d’une téléexpertise doivent être facturés avec la lettre-clef TE2 (rémunération à l’acte).

  • Le processus de cotation des actes dépend du statut du professionnel de santé :
    • Les professionnels de santé ayant une activité 100% libérale doivent coter un acte RQD ou TE2 dans leur logiciel métier.
    • Pour les praticiens hospitaliers ayant une activité 100% hospitalière, les actes de téléexpertise doivent être cotés dans le GAM de l’hôpital par le secrétariat du service médical ou le bureau des entrées.
    • Les praticiens hospitaliers qui ont également une activité libérale peuvent coter leurs actes de téléexpertise via leur logiciel métier s’ils sollicitent/rendent des avis médicaux dans le cadre de leur activité libérale ou dans le GAM/DPI de leur établissement si les actes sont réalisés dans le cadre de leur activité hospitalière.

  • Les actes de téléexpertise ne peuvent pas être cotés entre médecins d’un même hôpital (le numéro FINESS de l’établissement “faisant foi”);
  • Les Infirmières en Pratique Avancée ne peuvent pas solliciter une téléexpertise auprès du médecin leur ayant adressé le patient.

Si la téléexpertise a bel et bien pris son essor aujourd’hui, il aura fallu quelques années pour qu’elle soit généralisée. Revenons sur son histoire.

2010 : acte de naissance de la téléexpertise

Depuis que les premières spécialités médicales sont apparues en 1949, et plus largement depuis que la médecine s’est spécialisée dans le courant du XXème siècle, les médecins ont pris l’habitude de solliciter des avis auprès de leurs confrères. Cette pratique n’a fait que s’accroître depuis lors, seuls les canaux de communication ont évolué : on est passé du courrier au téléphone et au fax puis aux mails et aux messageries instantanées comme WhatsApp.

Toutefois, la téléexpertise en tant que telle est officiellement née en même temps que la télémédecine avec la loi Hôpital Patient Santé et Territoires (HPST) de juillet 2009. Cette loi définit la télémédecine comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’informatique et de la communication (TIC). Elle met en rapport entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient ».

Le décret d’application de la loi HPST, publié en octobre 2010, précise les conditions de sa mise en œuvre et son organisation (articles R.6316-1 à R.6316-9 du Code de la Santé Publique).

Il existe 2 types de télémédecine :

  • La télémédecine informative, orientée sur la diffusion de savoirs et d’information.
  • La télémédecine clinique, qui correspond à une pratique médicale à distance grâce à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les développements qui suivent concernent ce second type.

Le Code de la Santé Publique définit 5 actes médicaux de télémédecine clinique :

  • La téléconsultation : un patient consulte à distance un professionnel de santé médical.
  • La téléexpertise : des professionnels de santé médicaux donnent à distance leur avis d’experts spécialistes sur le dossier médical d’un patient.
  • La télésurveillance médicale : des indicateurs cliniques ou biologiques, choisis par un professionnel de santé médical, sont collectés par un dispositif et transmis au professionnel médical (télémonitoring).
  • La téléassistance médicale : un professionnel de santé médical assiste à distance un professionnel de santé non médical.
  • La réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale (aide médicale d’urgence et téléconseil médical personnalisé).

2014-2019 : premières expérimentations

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a permis la mise en place d’expérimentations de financement dérogatoire de la télémédecine (téléconsultation, téléexpertise et télésurveillance) dans neuf régions. Le cahier des charges des expérimentations a été élargi en 2016 à l’ensemble des patients atteints d’affection de longue durée (ALD) ou résidant en structure médico-sociale. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a prorogé d’un an le financement des expérimentations et les a élargies à l’ensemble du territoire.

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 bascule le financement des actes de télémédecine dans le droit commun de la Sécurité Sociale et organise la prise en charge de la téléconsultation par vidéotransmission et de la téléexpertise par l’Assurance Maladie. Le gouvernement a confié à l’Assurance Maladie et aux syndicats professionnels la responsabilité de définir par voie conventionnelle les modalités et la tarification de ce nouvel acte. L’avenant signé en juillet 2018 prévoit une première étape de mise en œuvre, au premier trimestre de 2019, réservée aux patients:

  • en affection longue durée (ALD) ;
  • atteints de maladies rares ;
  • résidant en zones dites sous-denses (telles que définies par l’article L1434-4 du Code de la Santé Publique) et dès lors qu’ils n’ont pas de médecin traitant désigné ;
  • résidant en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou dans des structures médico-sociales ;
  • détenus.

En mars 2020, une sixième catégorie est ajoutée : les patients présentant les symptômes ou atteints du COVID-19.

2019 : entrée de la téléexpertise dans la nomenclature

Les premières expérimentations se révélant positives, la téléexpertise fait son entrée dans la nomenclature grâce à l’avenant 6 publié en février 2019.

Deux types de téléexpertise sont alors définis, dont le niveau varie selon la complexité du dossier du patient et leur fréquence :

  • Les téléexpertises de niveau 1 (lettres-clefs “TE1”) : il s’agit d’une question circonscrite qui ne nécessite pas de réaliser une étude approfondie de la situation médicale du patient. Ex : étude d’une spirométrie ou interprétation de photos pour une lésion cutanée.
  • Les téléexpertises de niveau 2 (lettres-clefs “TE2”) : il s’agit d’un avis en réponse à une situation médicale complexe après étude approfondie. Ex : suivi d’une plaie chronique en état d’aggravation ou surveillance en cancérologie dans le cadre de la suspicion d’une évolution.

Ces deux niveaux de téléexpertise donnent lieu à des actes et des tarifs différents, afin de tenir compte de la complexité du dossier dans la rémunération.

Alors que le médecin requis est rémunéré à l’acte (12€ par téléexpertise de niveau 1 et 20€ par téléexpertise de niveau 2), le médecin requérant est, lui, rémunéré selon un forfait annuel (5 € par téléexpertise de niveau 1 et de 10 € par téléexpertise de niveau 2, dans la limite de 500 € par an).

Par ailleurs, pour les téléexpertises de niveau 2, le médecin requis doit déjà connaître le patient.

2020 : assouplissement des règles

L’avenant 7, signé en juin 2019 et entré en vigueur en janvier 2020, vient rapidement assouplir ce cadre réglementaire : la connaissance préalable du patient par le médecin requis pour les téléexpertises de niveau 2 est supprimée.

La seule condition pour coter une téléexpertise de niveau 2 est alors la complexité de la question. En pratique, si la question comporte un document ou une source d’information unique, la téléexpertise est considérée de niveau 1 ; autrement, elle est considérée de niveau 2.

Avril 2022 : élargissement généralisé de la téléexpertise

Très vite, ce cadre réglementaire apparaît trop contraignant et peu valorisant. La distinction entre les deux niveaux de téléexpertise n’est pas toujours pertinente et reste difficile à évaluer dans les faits. Par ailleurs, la rémunération des professionnels médicaux et le système de rémunération “au forfait” des médecins requérants sont peu incitatifs. De plus, les conditions d’éligibilité semblent trop restrictives, tant en ce qui concerne les patients (la téléexpertise était alors réservée aux patients dits “prioritaires”) que les types de professions médicales autorisées.

Pour toutes ces raisons, le cadre réglementaire de la téléexpertise s’assouplit de nouveau grâce à l’entrée en vigueur de l’avenant 9 en avril 2022. D’importants changements sont alors mis en place :

  • Les conditions d’éligibilité des patients sont supprimées : les professionnels peuvent désormais solliciter des téléexpertises pour tous les patients.
  • La téléexpertise s’ouvre à l’ensemble des professionnels de santé : tous les professionnels de santé peuvent désormais solliciter un avis auprès d’un médecin.
  • Le niveau 1 de téléexpertise disparaît au profit d’une généralisation du niveau 2. Désormais, médecins requis comme requérants peuvent facturer des actes de téléexpertise de niveau 2 (lettre-clef RQD pour les requérants et TE2 pour les requis).
  • Les médecins requérants ne sont plus rémunérés au forfait mais à l’acte, comme pour les médecins requis.

Pour en savoir plus sur les évolutions apportées par l’entrée en vigueur de l’avenant 9, consultez notre article “Avenant 9 : ce qui change pour vous”.

L’entrée en vigueur de cet avenant a été un jalon majeur dans le développement de la téléexpertise qui a vu ses usages exploser à partir de ce moment-là. A titre d’exemple, le nombre de professionnels de santé inscrits sur Omnidoc a plus que triplé depuis le mois d’avril 2022 et le nombre de demandes adressées chaque a été multiplié par 5.

Vers une généralisation de la téléexpertise à tous les professionnels de santé ?

L’entrée en vigueur de l’avenant 9 marque un véritable tournant dans la pratique de la téléexpertise. Depuis lors, la téléexpertise n’a cessé de s’ouvrir à de nouvelles professions :

  • Depuis le mois de septembre 2022, les sages-femmes (qui pouvaient déjà solliciter des avis depuis avril 2022) peuvent donner des avis médicaux et être rémunérées pour cela;
  • Certains auxiliaires médicaux sont désormais rémunérés pour leurs demandes d’avis : il s’agit des orthophonistes (depuis mai 2022) et des infirmiers (depuis fin mars 2023). Les kinésithérapeutes et les pédicures-podologues pourront coter leurs actes de téléexpertise à partir de début 2024.

Au vu des négociations actuelles entre les représentants des professionnels de santé et l’Assurance Maladie, il semble légitime de penser que ce mouvement d’ouverture va se poursuivre dans les prochains mois. Après les kinésithérapeutes et les pédicure-podologues, la rémunération devrait probablement être mise en place progressivement pour tous les autres types d’auxiliaires médicaux.

Se pose enfin la question des chirurgiens-dentistes : à ce jour, cela reste la seule profession médicale à ne pas avoir accès à la téléexpertise, ni en tant que requis, ni même en tant que requérant.

Les négociations pour la signature d’une nouvelle convention nationale se sont ouvertes début avril avec les représentants des deux syndicats des chirurgiens-dentistes et la téléexpertise figure parmi les orientations au programme des négociations. La situation va-t-elle changer prochainement ? Nous l’espérons : nombreux sont nos utilisateurs à nous faire part de ce besoin, comme les infirmiers en EHPAD, les médecins généralistes ou les chirurgiens oraux (anciennement stomatologues) qui aimeraient pouvoir solliciter l’avis de dentistes (par exemple, n’importe quel chirurgien peut souhaiter demander un bilan bucco-dentaire avant une intervention). Inversement, les dentistes eux-mêmes peuvent avoir besoin de solliciter d’autres professionnels médicaux, comme des médecins spécialistes ORL, des chirurgiens maxillo-faciaux ou des cardiologues dans le cas d’une endocardite par exemple, voire même un confrère chirurgiens-dentistes spécialisé. Pour toutes ces raisons, il serait pertinent que les négociations conventionnelles en cours aboutissent à une ouverture de la téléexpertise pour les chirurgiens-dentistes.

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