Dr Simon Cadiou, chef de clinique en rhumatologie au CHU de Rennes, partage pour Omnidoc son retour d’expérience de la téléexpertise.
Pourriez-vous nous décrire les demandes d’avis que vous recevez en rhumatologie ?
Les avis que l’on reçoit viennent essentiellement de médecins généralistes de ville sur des questions thérapeutiques. Le plus souvent pour des pathologies mécaniques, par exemple des lombo-sciatiques, des bilans vis à vis de douleurs ou des bilans d’imagerie.
Les cas les plus fréquents sont des avis thérapeutiques concernant l’ostéoporose. Pour des patients qui souffrent de fractures vertébrales, le médecin s’interroge sur le traitement à prescrire. Dans les cas les plus simples et si un bilan a été fait, on peut donner une conduite à tenir thérapeutique.
Par ailleurs, nous avons des demandes parfois plus urgentes pour des suspicions d’arthrite subaiguë, de maladies inflammatoires chroniques.
Comment faisiez-vous avant Omnidoc ?
Une ligne d’avis téléphonique nous permet de recevoir les cas d’urgences diagnostiques, comme les suspicions d’arthrite septique par exemple. Mais tout n’était pas forcément filtré entre urgent et non-urgent, donc on recevait beaucoup d’avis tout venant, sur des conduites à tenir générales. Les interruptions par téléphone pendant la consultation étaient vraiment fréquentes.
Nous recevions des demandes de consultations par fax, outil que nous avons essayé de remplacer par le mail.
Décrivez-nous votre projet de téléexpertise
Nous avons mis en place Omnidoc en Novembre 2021, après que plusieurs services du CHU de Rennes aient été déployés. On a donc bénéficié de la communication faite auprès des médecins de ville. Les premières demandes d’avis sont arrivées assez facilement.
En parallèle, nous avons diffusé le message à nos correspondants rhumatologues pour des avis de deuxième voire troisième ligne (biothérapies, exploration de rhumatismes inflammatoires chroniques).
Quelle organisation a été mise en place ?
Ça a été assez simple à intégrer à notre fonctionnement : chaque jour, un interne séniorisé est d’astreinte sur notre ligne d’avis téléphonique d’urgence. Nous avons donc intégré ce planning à Omnidoc et suivons le même mode d’organisation.
En pratique, on peut lire les avis entre deux consultations ou en fin de journée. Cela nous permet de répondre dans les 24h, ce qui dans la majorité des cas est tout à fait acceptable. Bien que les dossiers soient plus complets qu’avant, le temps nécessaire pour répondre à chaque avis est finalement assez court.
Quels en sont les résultats après plusieurs mois ?
On a supprimé le mail, qui n’avait plus d’utilité. Omnidoc nous a permis de diminuer le nombre d’appels téléphoniques pour des questions non-urgentes; et donc d’être moins interrompus pendant la visite ou pendant consultation.
Les demandes sont plus structurées que les appels téléphoniques : sur la plateforme, on a accès à tous les éléments nécessaires pour y répondre de manière plus poussée.
Cela permet également de percevoir une rémunération pour quelque chose que l’on faisait déjà, ce qui est très appréciable.
On constate une augmentation du nombre d’avis que l’on donne, mais finalement, cela nous permet de faire de l’éducation sur des problèmes récurrents. Par exemple, pour les questions sur l’ostéoporose, nous répondons systématiquement qu’un bilan doit être fait. Les avis étant tracés, le généraliste peut re-consulter notre réponse, ce qui participe presque à de la formation continue et contribue à ce que les avis soient de mieux en mieux adressés.
Selon vous, quelle est la place de la téléexpertise dans le parcours de soins des patients ?
En ce qui concerne la Rhumatologie, la téléexpertise nous permet de diminuer les consultations dans un certains nombre de cas où elles ne sont pas nécessaire. Je pense notamment à l’ostéoporose : lorsque cela concerne une personne âgée de plus de 75 ans, post-ménopausique avec un bilan normal, la réponse est le plus souvent simple et ne nécessite pas de consultation spécialisée.
Par ailleurs, pour des suspicions de polyarthralgies ou de rhumatismes inflammatoires, la téléexpertise nous permet de mieux clarifier le bilan de première intention, de demander des examens radiographiques et biologiques complémentaires, pour que la consultation soit mieux qualifiée. Sinon, nous devons voir le patient pour lui prescrire les examens pour ensuite le faire revenir en consultation avec les résultats.
C’est donc un gain de temps. On peut avoir l’impression d’investir plus de temps sur l’avis de téléexpertise, mais c’est rentable et efficace à moyen - long terme.
Avez-vous un dossier marquant à nous raconter ?
Une patiente souffrant d’arthralgies inflammatoires avec un syndrome biologique, malgré un bilan normal décrit par le médecin traitant. Finalement, un anticorps était passé à la trappe dans le bilan immunologique. Cela nous a permis de diagnostiquer une connectivite assez rare beaucoup plus vite que si le médecin traitant n’avait pas demandé une téléexpertise. On a donc pu voir rapidement la patiente.
On rattrape donc davantage de situations, et inversement, nous sommes moins alarmistes et demandons moins d’examens complémentaires lorsque le reste du dossier semble normal.
Selon vous, quelle place pour la téléexpertise dans le futur ?
La téléexpertise répond à certains problèmes de démographie médicale. Dans les spécialités très cliniques comme la rhumatologie, on ne peut évidemment pas remplacer l’examen et l’interrogatoire clinique. C’est donc très utile pour des problématiques assez simples (ostéoporose ou bilans face à des arthralgies inflammatoires) afin d’avoir moins de consultations, mais mieux qualifiées.
Je pense que ça permet également de former nos correspondants à certaines pathologies ou situations cliniques spécifiques et donc de tendre vers un adressage optimal des patients.
Propos recueillis le 07/07/22
Le portail de téléexpertise du CHU de Rennes est accessible ici : https://omnidoc.fr/chu-rennes
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