Le Pr Paul Guerby est professeur de gynécologie-obstétrique et responsable du service d'obstétrique au CHU de Toulouse.
Il a lancé avec son service plusieurs lignes de téléexpertise sur Omnidoc.
Dans cette interview, il partage son retour d'expérience sur la mise en place de ce réseau : qui leur adresse des demandes, quelles sont les questions des requérants, ce qui a changé depuis la mise en place du réseau, etc.
Retrouvez l'intégralité de cet entretien en vidéo.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Pr GUERBY. Je suis Paul Guerby, gynécologue-obstétricien et Chef de service de la maternité Paule de Viguier, du CHU de Toulouse. Il s’agit d’une maternité de type 3 qui réalise plus de 5 000 naissances par an et qui a une particularité territoriale unique en France puisque nous sommes la seule maternité de type 3 pour toute l'Occitanie Ouest et également seule maternité publique pour le Grand Toulouse. Cela explique une grosse activité obstétrique et notamment une grosse activité pour les pathologies obstétriques.
Pouvez-vous nous parler des projets de téléexpertise mis en place par le service de gynécologie-obstétrique ?
Pr GUERBY. Nous avons créé trois lignes de téléexpertise pour notre service d'obstétrique de la maternité du CHU de Toulouse.
Une première ligne concernant le diagnostic anténatal, c'est-à-dire l'échographie de grossesse, parce qu'il y a une forte demande dû au fait que nous sommes le seul centre de l'Occitanie Ouest qui possède un CPDPN, à savoir la réunion multidisciplinaire qui discute de tous les dossiers compliqués en diagnostic anténatal.
La plateforme de téléexpertise a permis de fluidifier les échanges et les demandes d'avis.
Ensuite, nous avons créé deux lignes d'obstétrique pour le suivi de grossesse à proprement parler. Une ligne dite “suivi sages-femmes” et une ligne dite “suivi médecins”, car avec plus de 5 000 naissances par an dans notre structure, nous ne pouvons pas suivre tous les mois la grossesse de ces 5 000 patientes : nous confions beaucoup de suivis à la ville.
Après une première consultation d'orientation en fin de premier trimestre pour toutes nos patientes lors de laquelle nous établissons les grands principes du suivi et les mesures de prévention que l'on peut mettre en application pour la grossesse, les patientes sont, la plupart du temps, confiées à un suivi libéral jusqu'au troisième trimestre. Pour que ce soit possible, il fallait que nous soyons accessibles facilement, d'où notre demande pour une plateforme de téléexpertise efficace, la plus fluide possible, pour maintenir un lien ville-hôpital fort.
Ces deux lignes ont donc été créées pour que les avis soient dirigés vers ceux qui suivent ces grossesses et pour qu’elles soient accessibles à tous les types de requérants qui suivent les grossesses, c'est-à-dire les sages-femmes, les médecins généralistes, les gynécologues médicaux et, les gynécologues obstétriciens.
Qui sont les requérants qui vous sollicitent ?
Pr GUERBY. Pour chaque ligne d’avis, nous sommes sollicités par des médecins généralistes, des gynécologues médicaux et des gynécologues obstétriciens. Mais ce sont essentiellement des sages-femmes libérales qui font appel à nous, avec plus de 80% des demandes formulées. Notre disponibilité était donc un réel besoin.
Quelles sont les demandes qui reviennent le plus fréquemment ?
Pr GUERBY. Les cas les plus fréquents viennent de la ligne de diagnostic anténatal, qui a un gros succès en termes de volume. C'est souvent sur des doutes diagnostics ou des doutes sur les images. Sur cette ligne-là, il est possible de formuler cette demande d'avis sans forcément adresser derrière en échographie de référence dans notre centre.
Cela a permis de grandement fluidifier ce parcours grâce au pré-tri qui est fait par les médecins et sages-femmes du service du diagnostic anténatal et du CPPN. En effet, vu qu'il y a la possibilité d'envoyer de nombreuses images, cela permet de vérifier qu’il y a un réel besoin d'adressage ou si un conseil formulé par téléexpertise peut suffire, sans forcément voir la patiente.
Cela représente une grosse amélioration parce qu'avant la téléexpertise, il y avait beaucoup d'échographies programmées qui n’auraient peut-être pas été nécessaires. Cela a donc libéré des créneaux, ce qui est plus pertinent pour tout le monde.
Comment êtes-vous organisés au sein du service pour traiter ces demandes ?
Pr GUERBY. Nous avons mis en place une organisation par ligne d'avis. Pour la ligne de diagnostic anténatal, les demandes d'avis sont réceptionnées par le secrétariat et les sages-femmes du CPDPN qui les répartissent ensuite au médecin en charge du CPDPN cette semaine-là.
Pour les lignes d'avis d'obstétrique, c'est à peu près la même chose. La réception de la demande est faite par une des secrétaires du service qui va ensuite envoyer la demande d'avis soit au médecin qui suit la patiente, soit au médecin qui est d'astreinte pour les avis cette semaine-là, pour que ça soit le plus fluide possible et que l’on puisse répondre dans un objectif de 48 heures ouvrés.
Comment faisiez-vous avant Omnidoc pour traiter ces demandes d’avis ?
Pr GUERBY. Avant, comme dans tous les services, les demandes d'avis étaient malheureusement assez complexes pour les intervenants extérieurs, pour les soignants en ville. Ils essayaient par téléphone, ils essayaient par des Emails, parfois par messagerie, téléphone, texto, etc.
Ce n'était pas fluide pour eux, pas sécurisé et évidemment pas valorisé. C'est ce que proposent les outils de téléexpertise et cela nous paraissait indispensable de le faire pour valoriser et sécuriser une activité que l'on faisait déjà.
Quel impact a eu Omnidoc sur le quotidien du service ?
Pr GUERBY. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de demandes nécessitaient de la réassurance des praticiens. Cela a permis de diminuer franchement le nombre d'échographies de références non justifiées, qui nécessitent des praticiens experts dans le domaine, et a eu un vrai impact dans le service pour que ces rendez-vous soient le plus pertinent possible.
Cela a même permis, dans le service de diagnostic anténatal, d'échelonner les demandes pour savoir si cela devait être une échographie de référence ou si cela devait être une échographie de contrôle qui doit être faite au CHU mais pas forcément par des médecins de référence en diagnostic anténatal. Cela a grandement fluidifié le parcours.
Que diriez-vous à vos consœurs et confrères gynécologues obstétriciens ?
Pr GUERBY. Le conseil que je donnerais à ceux qui veulent ouvrir une ligne de téléexpertise serait de bien borner les critères de demande parce que nous avons constaté que le besoin de téléexpertise est très important, notamment pour les sages-femmes libérales qui ont un fort besoin de pouvoir demander des avis à des gynécologues obstétriciens et/ou à un centre de référence.
La ligne d'obstétrique que nous avons ouverte est dédiée aux grossesses de patientes qui sont suivies et inscrites dans notre maternité ou qui vont l'être. C'est important que cela soit très clair dans la formulation et dans la description de la ligne de téléexpertise qui est ouverte. Nous avons essayé de mettre en place les choses les plus fluides possible pour que ça soit simple au quotidien, sans rajouter d'activité à chacun.
Le mot de la fin ?
Pr GUERBY. Je pense que la téléexpertise est maintenant indispensable dans notre pratique de tous les jours, en obstétrique mais aussi dans la plupart des spécialités s'il y a un réel besoin de fluidifier les liens ville-hôpital. Nous savons que ce sont des thématiques actuelles, nécessaires et que cela nous permet d'être plus pertinent dans les prises en charge, de gagner du temps, de le sécuriser et de le valoriser.