Le Dr Thibaut Noailles est chirurgien orthopédiste spécialiste du genou et traumatologue.
Avec ses confrères de l'UOA Hanche Genou Bordeaux Nord, il a monté une ligne de téléexpertise sur Omnidoc.
Lors de cet entretien, il a partagé son retour d'expérience sur la mise en place de ce réseau : qui leur adresse des demandes, quelles sont les questions des requérants, ce qui a changé depuis la mise en place du réseau, etc.
Retrouvez l'intégralité de ce témoignage en vidéo.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Dr NOAILLES. Thibault Noailles, je suis chirurgien orthopédiste et je fais essentiellement de la chirurgie du genou, avec 80% de mon activité centrée sur la chirurgie ligamentaire et méniscale et la chirurgie du genou sportif. Je suis installé à Bordeaux et depuis cinq ans, nous avons réussi à créer une équipe multidisciplinaire avec toutes les spécialités qui sont représentées, de l'épaule au genou, en passant par la hanche et le rachis.
Pouvez-vous nous parler de l’UOA Hanche Genou Bordeaux Nord ?
Dr NOAILLES. UOA signifie Unité Ostéoarticulaire Bordeaux Nord et c'est le regroupement de notre équipe de chirurgiens. Ce que nous avons voulu faire, avec un collègue chirurgien du rachis, était de créer une équipe de jeunes chirurgiens nouvellement installés et représentant toutes les spécialités : chirurgie de la hanche, chirurgie du genou, prothèses, chirurgie ligamentaire, chirurgie de l'épaule, du coude, de la main, du pied, et aussi la chirurgie du rachis.
L'idée est de pouvoir répondre à l'ensemble des demandes pour toutes les pathologies et toutes les articulations, que ce soit en chirurgie programmée ou en urgence car nous avons un service d'urgence à Bordeaux Nord. C'est important pour nos confrères de ville de pouvoir répondre à l'ensemble des demandes.
Qui vous envoie des demandes d’avis ?
Dr NOAILLES. Pour nous, le portrait robot du requérant est le médecin généraliste. Nous avons un maillage régional avec les médecins généralistes qui sont nos confrères en première ligne et qui vont voir en premier les patients pour une pathologie dégénérative ou pour de la traumatologie. Ce sont donc eux qui vont être amenés à faire le premier diagnostic, la prescription d'imagerie et qui vont nous solliciter pour orienter vers le bon spécialiste, pour demander le bon examen d'imagerie ou pour savoir si, oui ou non, la rééducation peut commencer.
Quel est le bassin géographique de vos requérants ?
Dr NOAILLES. Je vois maintenant des demandes de médecins généralistes qui sont un peu plus lointains que Bordeaux même, avec des adressages ciblés sur ma pathologie, c'est-à-dire le ligament croisé et la pathologie méniscale.
J'avais déjà la chance d'avoir un réseau qui était assez conséquent mais j’ai eu sur Omnidoc des demandes de praticiens que je ne connaissais pas pour m’adresser des patients. Cela permet, en plus de rendre service aux patients, de rendre service au spécialiste qui répond sur Omnidoc en élargissant son réseau, ce qui n’est vraiment pas négligeable.
Quelles sont les demandes d’avis les plus fréquentes ?
Dr NOAILLES. Les demandes les plus fréquentes en téléexpertise concernent la traumatologie quotidienne, traumatologie de chevilles par exemple, ou la traumatologie du genou. Cela permet assez vite, en fonction des examens de débrouillage qu'ont pu faire les médecins généralistes, d'éviter des immobilisations prolongées pour le patient, ce qui peut entraîner un enraidissement, un arrêt de travail long ou une exclusion sportive. On va donc pouvoir assez rapidement orienter le requérant vers le début de la rééducation, vers la prescription de cryothérapie, vers une consultation spécialisée en médecine du sport ou en chirurgie, etc.
En plus de la traumatologie, sur le genou nous avons parfois des demandes sur de la pathologie dégénérative type lésion méniscale. Je prends souvent cet exemple-là parce qu'il est assez parlant, on va avoir des demandes sur des douleurs de genoux pour un patient, l'IRM va être faite rapidement et va mettre en évidence une lésion méniscale. Cette lésion est juste le signe d'une usure débutante, aussi il n’est pas indiqué de faire de chirurgie : on commencera plutôt par de la rééducation, du froid, des semelles, parfois l'infiltration. On permet ainsi au requérant de bien orienter le patient vers le médecin du sport ou le rhumatologue.
Pourquoi avoir créé un réseau de téléexpertise ?
Dr NOAILLES. Le projet de téléexpertise que nous avons mis en place est parti d'une idée simple, c'est que nous faisions déjà cela par SMS avec nos confrères médecins généralistes. Quand Omnidoc est venu se présenter à nous, cela a sincèrement été une évidence. Cela permettait de répondre de façon sécurisée à des demandes de confrères et d'accélérer la prise en charge du patient avec des soins qui étaient adaptés, avec des consultations évitées car parfois pas nécessaires et avec, au final, une réhabilitation qui était plus rapide pour le patient.
On a constitué une ligne sur Omnidoc pour montrer ce principe d'unité ostéoarticulaire, avec plusieurs praticiens pouvant répondre aux demandes de nos requérants. C'était important de présenter ce regroupement avec des sous-entités. Cela permet aussi d'avoir plusieurs praticiens qui peuvent répondre à une question et de diminuer le délai de réponse.
Il n’y a rien de plus satisfaisant que d’avoir un praticien qui va nous poser sa question en face du patient et qui va avoir une réponse à lui apporter d'emblée.
Comment êtes-vous organisés en interne pour répondre à ces demandes ?
Dr NOAILLES. Dans notre organisation, c'est le premier qui peut répondre qui répond. Nous n’avons pas du tout d'ego ou d'orientation en fonction de la pathologie : il faut pouvoir apporter une réponse rapide à notre confrère. Donc le premier qui voit la demande y répond car il s’agit souvent de traumatologie et que nous en avons tous fait. Si, aujourd'hui, je ne fais que de la chirurgie du genou, je suis capable de répondre à une problématique de cheville.
Pourquoi avoir choisi Omnidoc comme outil de téléexpertise ?
Dr NOAILLES. Je ne touche pas de royalties mais pour la téléexpertise, c'est aujourd'hui la solution qui nous paraît la plus aboutie avec le réseau le plus conséquent. Ce qui est important dans ce genre de projet, c'est d'avoir un large réseau pour pouvoir répondre au maximum de demandes et ne pas être cantonné à quelques spécialistes : il faut pouvoir accéder à tous nos confrères.
Quelle est l’impact de la téléexpertise sur le système de soin ?
Dr NOAILLES. La place de la téléexpertise va être de fluidifier les réseaux de soins, c'est-à-dire d'éviter les consultations inutiles. Celles-ci amènent des temps de trajets pour les patients, des impacts écologiques assez importants et des soins de spécialité facturés à la Sécurité Sociale, qui sont à chaque fois conséquents.
Il faut savoir orienter les patients pour éviter ce genre de perte de temps. Quand on voit l’apport de la téléexpertise dans le soin courant, quand on voit ce que cela permet pour le médecin de ville – à savoir une réponse rapide aux patients et donc leur réhabilitation, le retour au sport ou un arrêt de travail qui va être diminué – c'est toute une économie de soins qui est améliorée.
Je suis persuadé que pour un patient avec une entorse de cheville bénigne de grade 1, sans immobilisation, traitée par une rééducation immédiate et une reprise du sport sous trois semaines, cela ne nécessite pas forcément deux heures de trajets depuis la Charente-Maritime pour une consultation qui sera facturée 55 € à la Sécurité Sociale.
Bien-sûr, il y aura des consultations qui nécessiteront une évaluation clinique ou des explications puisqu'elles vont déboucher sur une chirurgie. Dans ce cas-là, nous prenons évidemment le temps. Mais nous aurons alors le temps qui sera dégagé par un meilleur tri de ces consultations.
Que diriez-vous à vos consœurs et confrères chirurgiens orthopédistes ?
Dr NOAILLES. Je pense qu'aujourd'hui, notre travail va être surtout sur l'accompagnement, au-delà de la chirurgie pure. Ce qui fait le soin, ce n’est peut-être pas le parfait positionnement du ligament croisé antérieur ou une radiologie exceptionnelle après des prothèses de genou. Au contraire, le soin peut être dans la réponse rapide à nos confrères ou dans la sélection et l'indication opératoire pour éviter des consultations et des chirurgies parfois inutiles.
Et dans ce qu'il faut mettre en place, il y a aussi la téléexpertise qui permet d'éviter aux patients de se déplacer, de faire deux heures d'embouteillage et de s’énerver après une heure en salle d'attente. Au même titre que la téléconsultation que je pratique pour le suivi postopératoire, la téléexpertise répond aussi à ces problématiques. Même si c'est dématérialisé, même si l’on peut regretter qu'il n'y ait pas ce côté humain, la téléexpertise fait partie du soin et on ne peut pas le négliger.
Le mot de la fin ?
Dr NOAILLES. La téléexpertise a permis de fluidifier nos échanges avec les collègues de ville et, j'en suis persuadé, de rendre service au patient. Cela va l’autonomiser et permettre des économies de soins qui ne sont pas négligeables. Dans ma pratique quotidienne, si elle reste annexe, la téléexpertise fait partie du soin et est aujourd’hui quelque chose d’indispensable.