Le Dr Marie Costes est médecin gériatre et référente télémédecine au CHU de Rennes.
Depuis 4 ans, elle participe activement à la mise en place et au développement du réseau de téléexpertise et de e-RCP du CHU.
Dans ce témoignage vidéo, elle revient pour nous sur les constats qui ont amené à la création du réseau, les étapes de sa mise en place et l'impact que cela a eu sur la valorisation de l'expertise du CHU.
Retrouvez l'intégralité de son témoignage en vidéo ici.
Pouvez-vous vous présenter ?
Dr COSTES. Je suis le Dr Costes, médecin gériatre au CHU de Rennes. Dans mon parcours, j’ai d’abord exercé comme médecin généraliste, puis comme médecin coordonnateur en EHPAD, avant d’être formé à la gériatrie. J’ai aussi eu une courte expérience à l’étranger. Je suis arrivé au CHU de Rennes fin 2015, où l’on m’a confié le premier projet de téléconsultation avec les EHPAD en gériatrie. C’est ainsi que je suis entré dans l’univers de la télémédecine.
Pouvez-vous faire un état des lieux de la téléexpertise au CHU de Rennes ?
Dr COSTES. La téléexpertise s’est développée progressivement depuis quatre ans. Aujourd’hui, environ 30 disciplines du CHU sont intégrées au réseau principal sur Omnidoc. Cela représente environ 475 comptes experts et une centaine de comptes non médicaux.
Chaque mois, nous rendons entre 2 500 et 3 000 avis, répartis sur une quarantaine de lignes de téléexpertise “classiques” entre ville et hôpital, ainsi que 14 lignes de RCP. Du côté des correspondants, nous en comptons environ 3 000, majoritairement situés dans le département.
Quel constat vous a poussé à lancer le projet de téléexpertise ?
Dr COSTES. Nous avons mené une étude envoyée aux 15 000 médecins bretons, qui a permis de mettre en évidence plusieurs points.
D’abord, tous les médecins pratiquent les échanges d’avis. Ensuite, dans trois quarts des cas, les requérants sont des médecins généralistes, les autres étant issus de disciplines transversales comme la gériatrie, les urgences ou la réanimation. Ces échanges se font de manière quotidienne, parfois avec des volumes très importants en nombre d’avis ou en heures passées.
Enfin, 90 % des échanges se faisaient par téléphone, et presque la moitié par fax ou messagerie non sécurisée. Cela ne répondait donc pas aux bonnes pratiques.
Comment le projet de téléexpertise a-t-il débuté ?
Dr COSTES. Ce projet a démarré en lien avec le service d’ophtalmologie, qui cherchait un outil spécifique pour rendre des avis à leurs confrères de ville. De notre côté, nous avions une vision plus large : celle de trouver une solution qui pourrait, à terme, embarquer toutes les spécialités du CHU. Nous avons donc opté pour une plateforme généraliste. La rencontre avec l’équipe d’Omnidoc a été décisive : dès le départ, nous nous sommes sentis écoutés et compris. Omnidoc a su adapter l’outil en fonction de nos retours.
Pourquoi avoir choisi Omnidoc ?
Dr COSTES. Nous avons d’abord validé l’outil sur le plan métier, avec trois services pilotes : les ophtalmologistes, qui étaient partants ; les dermatologues, qui rendent beaucoup d’avis ; et les gériatres, pour voir si l’écrit pouvait convenir. Cela a été un succès dans les trois cas.
Ensuite, nous avons suivi le processus habituel d’un grand établissement : commissions médicales, comités numériques, bureaux de pôle, etc. Cela nous a permis d’embarquer les équipes progressivement.
Quelles interopérabilités avez-vous mises en place ?
Dr COSTES. Il était essentiel que l’outil simplifie le travail des médecins sans complexifier celui des secrétariats. Nous avons donc mis en place une interopérabilité avancée : récupération de l’identité patient et intégration automatique du compte rendu dans le dossier patient dès validation sur Omnidoc, sans action supplémentaire pour les secrétaires.
Quels freins avez-vous dû lever pour déployer la téléexpertise ?
Dr COSTES. Les freins n’ont pas été médicaux. La communauté s’est très vite emparée de l’outil. Les difficultés étaient plutôt techniques et administratives, notamment au niveau du bureau des entrées. Omnidoc nous a soutenus en développant un tableau de bord administratif facilitant la cotation et la facturation, puis en mettant en place les interopérabilités nécessaires.
Quel impact a eu Omnidoc sur la valorisation de l'expertise du CHU ?
Dr COSTES. La téléexpertise a permis de rendre visible une activité déjà existante, mais jusque-là invisible. L’expertise est au cœur de la mission d’un CHU. Grâce à Omnidoc, ces échanges sont tracés, reconnus, valorisés. Cela vaut aussi pour les RCP : au CHU, nous avons près de 60 centres de référence ou de compétence dont les médecins collectaient jusqu’alors manuellement les pièces nécessaires à l’analyse des dossiers. Désormais, la plateforme améliore le confort de travail, autant pour les médecins hospitaliers que pour les médecins de ville.
Comment la téléexpertise a-t-elle transformé les parcours de soins sur le territoire ?
Dr COSTES. Elle améliore la lisibilité de l’offre et l’accessibilité : les médecins savent où et comment nous trouver. Elle décorrèle aussi la demande et la réponse : chacun intervient quand il en a le temps. Cela permet un tri plus pertinent des demandes. Les patients sont convoqués en consultation seulement quand cela est nécessaire, avec tous les éléments utiles disponibles en amont. Cela optimise les délais et renforce la pertinence du parcours. Enfin, cela rassure les médecins requérants, qui peuvent conforter leurs décisions thérapeutiques grâce à l’expertise reçue.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Dr COSTES. Nous devons d’abord consolider nos lignes d’avis et de RCP – il y en a près de 70 sur notre réseau principal – pour garantir une organisation claire et lisible. Ensuite, nous souhaitons poursuivre les travaux de recherche sur les données de la plateforme.
Deux autres chantiers sont en cours : la gestion des avis en interne, et les réseaux de requérants pour renforcer la coordination ville-hôpital. Enfin, nous souhaitons structurer l’adressage en consultation, autre sujet stratégique.
Quel conseil donneriez-vous pour développer la téléexpertise ?
Dr COSTES. Avant de déployer la téléexpertise, il faut d’abord réfléchir à son organisation : comment sont rendus les avis dans le service ? Ensuite, il faut démarrer petit, sur un périmètre limité, avant d’élargir progressivement. De notre côté, nous avons fonctionné en trinôme : une cheffe de projet télésanté, un médecin référent (moi), et un référent Omnidoc. C’est cette confiance mutuelle, et cette proximité avec les services, qui nous a permis d’avancer vite et efficacement.
Le mot de la fin ?
Dr COSTES. Ces plateformes de téléexpertise sont aujourd’hui le socle de nos nouvelles organisations. Elles accompagnent l’évolution de nos pratiques, structurent le travail en réseau et le travail collaboratif en médecine. C’est un vrai changement de paradigme.