Le Dr Matthieu Soethoudt est ophtalmologiste au CHU de Rennes. Il a été l'un des tout premiers à lancer un réseau de téléexpertise sur Omnidoc en 2020 avec son service d'ophtalmologie.
Dans cette interview vidéo, il partage son retour d'expérience sur la mise en place de ce réseau : qui leur adresse des demandes, quelles sont les questions des requérants, ce qui a changé depuis la mise en place du réseau, comment ils se sont organisés pour répondre aux demandes d'avis, etc
Retrouvez l'intégralité de ce témoignage en vidéo.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Dr SOETHOUDT. Je suis le docteur Mathieu Soethoudt, je suis ophtalmologiste au CHU de Rennes. Ça fait quatre années que je suis assistant puis praticien hospitalier dans le service d'ophtalmologie et particulièrement dédié à la pratique de la téléophtalmologie, avec le soutien de l'ARS Bretagne.
Par qui êtes-vous sollicités en ophtalmologie ?
Dr SOETHOUDT. 40% des demandes viennent de spécialités diverses et variées. Mais à 60%, ce sont nos confrères ophtalmologistes et ce chiffre a tendance à légèrement augmenter année après année. On rend de plus en plus d’avis auprès de collègues ophtalmologistes, ce qui s'explique par le déploiement d'autres réseaux plus locaux de services d'ophtalmologie aussi que par ceux d'autres hôpitaux qui ont développé eux-mêmes un service d’avis.
Quelles sont les questions qui reviennent le plus fréquemment ?
Dr SOETHOUDT. Il n'y a pas de limite aux sujets qui peuvent être abordés et pris en charge par téléexpertise. Ça peut être des choses accessibles à un médecin généraliste, comme des lésions de paupières, des avis sur des rougeurs, des douleurs, etc. Globalement des avis généraux de la part de collègues non spécialisés.
Je pense aussi, par exemple, à des avis thérapeutiques pour des patients qui ont des traitements avec des effets secondaires et où se pose la question d'arrêter ce traitement.
En parallèle, y a les avis de spécialités et d'hyperspécialités qui se développent de plus en plus. Dans ce cas-là, on peut tout faire : des avis de rétine, de cancérologie, de problèmes de cornée… Nous n'avons aujourd'hui aucune limite dans nos avis, ce qui est extrêmement intéressant.
Vous arrive-t-il d’être en posture de requérant ?
Dr SOETHOUDT. Bien-sûr et je dirais même que c'est la suite logique. Aujourd'hui, je suis en position de requérant dans ma ville et dans mon CHU, où l’on se retrouve en difficulté avec des prises en charge d'hyperspécialité qui nécessitent un avis d'expert auquel nous donne accès la téléexpertise, et en l’occurrence la plateforme Omnidoc.
Je pense par exemple à des avis sur des chirurgies réfractives que je réalise pour lesquelles je vais questionner des collègues de ville qui ont plus d'expérience que moi.
Comment faisiez-vous avant Omnidoc pour ces échanges d’avis ?
Dr.SOETHOUDT. On avait constaté que les avis de téléexpertise, on les faisait déjà. C'était une activité hospitalière quotidienne qui était pourtant prise en compte par personne, qui était non évaluée, non valorisée et pas non plus rémunérée.
C'étaient des avis qui passaient par divers canaux de communication : fax, mails persos, mails professionnels, smartphones, SMS, WhatsApp… La plupart du temps, il s’agissait de canaux non sécurisés et non organisés, ce qui pose de réels problèmes juridiques de protection du patient et de traçabilité dans les avis donnés.
Pourquoi et comment avez-vous choisi Omnidoc ?
Dr SOETHOUDT. Cela a commencé en 2018 où l’on débutait une expérimentation de téléophtalmologie en EHPAD. Nous nous posions la question de la téléconsultation et nous sommes rapidement rendu compte qu’elle n'apportait pas grand-chose, au contraire de la téléexpertise. On a validé notre protocole mais la problématique était de trouver un moyen de communiquer et transmettre des informations sécurisées et d'organiser nos avis avec plusieurs interlocuteurs, en dehors de mails et de transferts de données via WeTransfer par exemple.
Dans cette réflexion-là, et après échange avec mon chef de service, on a cherché à se rapprocher d'une solution pour organiser et tracer nos avis.
C’est alors que nous avons découvert d'Omnidoc avec qui nous avons noué un premier contact en 2019. Ce qui nous a séduit, c'était vraiment la simplicité, qui est pour moi la vraie valeur ajoutée d'Omnidoc parce qu'elle peut convenir à l'ensemble des besoins.
Combien d’avis rendez-vous par semaine ?
Dr SOETHOUDT. Je dirais entre 20 et 30 avis par semaine, ce qui représente un peu moins de 100 avis par mois. Ce n'est pas un volume qui nous met en difficulté dans la prise en charge de nos patients mais c’est peut-être différent dans d'autres spécialités. Je ne pense pas qu'on ait augmenté en nombre d'avis rendus, nous avons augmenté la pertinence des avis et l’organisation de la prise en charge de nos patients.
Que vous apporte la téléexpertise au quotidien ?
Dr SOETHOUDT. L'apport de la téléexpertise dans ma pratique est de permettre à l'ensemble des patients de bénéficier d'une prise en charge identique à n'importe quel endroit du territoire et d’améliorer la qualité du soin.
Une autre valeur ajoutée est de maintenir des prises en charge pluridisciplinaires et collectives. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on permet des prises en charge beaucoup plus coordonnées avec l'ophtalmologiste qui demande l'avis et nous-mêmes.
On va pouvoir faire un suivi alterné de qualité où l’on va pouvoir effectuer, via la téléexpertise, des échanges d'informations durant l'ensemble de la prise en charge du patient. Cela nous a permis de venir renforcer la place du CHU de Rennes dans la prise en charge ophtalmologique des patients et d’améliorer la satisfaction des médecins qui bénéficient d’une prise en charge de qualité et organisée pour son patient.
Aujourd'hui, nous donnons des avis et consignes dont est informé le médecin requérant à tout moment. Il saura qu’on a vu son patient, ce qu'on a diagnostiqué, si on organise une prise en charge ou un passage au bloc opératoire, etc.
On améliore fortement le parcours de soins du patient en remettant du lien entre la ville et l'hôpital. C'est ce lien médical qui vient renforcer la prise en charge puisqu'on apprend à mieux travailler ensemble pour un même patient.
Comment êtes-vous organisés au sein de votre service ?
Dr SOETHOUDT. On a tous un compte individuel pour répondre aux avis. Il est possible de nous contacter de façon nominative pour, par exemple, des avis d'hyperspécialité.
Cependant, l'avantage du réseau du CHU de Rennes en ophtalmologie est qu’il nous a permis de mettre en place une organisation avec un médecin d'astreinte. La plupart du temps, c'est moi qui vais répondre aux avis de première ligne mais je vais aussi pouvoir les réorganiser et les réorienter vers mes confrères si ça ne me concerne pas ou si je ne suis pas le plus à même de répondre à cet avis.
Vous êtes absent, vous êtes en congrès, vous êtes en vacances, vous ne pouvez pas répondre : un de vos collègues va pouvoir débuter la téléexpertise, donner éventuellement un avis, organiser une consultation en semi-urgence si nécessaire et ce avant même le retour du collègue qui est absent. C'est cette force collective qui permet de donner des avis beaucoup plus pertinents.
Je réinsiste d’ailleurs sur la valeur ajoutée du réseau pour les avis collégiaux. Cela permet bien-sûr de rendre l'avis le plus pertinent, mais cela a également une vraie vertu pédagogique car entre nous, on apprend. Je ne veux plus lâcher cette activité parce qu’elle me fait apprendre au quotidien.
Que diriez-vous à vos consœurs et confrères ophtalmologistes ?
Dr SOETHOUDT. Nous avons une vraie volonté de promouvoir l'activité de téléexpertise parce qu'elle permet de maintenir une prise en charge de proximité. Quand nous préconisons une certaine prise en charge ou une idée de diagnostic, c'est le médecin qui va avoir ce rôle de rappeler ou revoir son patient pour l’informer de la prise du diagnostic et de la conduite à tenir. On permet également une prise en charge collégiale quand c'est nécessaire. C'est un gage de qualité pour les patients.
Je pense qu'aujourd'hui, on se retrouve parfois en difficulté sur des prises en charge et avoir accès à des avis de téléexpertise permet de redresser des diagnostics ou des aides thérapeutiques.
Pensez-vous que la téléexpertise puisse être une solution à la pénurie médicale ?
Dr SOETHOUDT. Je dirais qu'on gagne sur la pénurie médicale, oui, mais cela permet surtout de prioriser. En ophtalmologie, il est vrai que l'accès est variable d'un département à l'autre. Mais dans d'autres spécialités, en dermatologie par exemple, on pourrait presque ne plus se permettre de voir un patient sans faire de la téléexpertise, parce qu’on va prioriser les demandes et éviter de voir des patients qui pourraient attendre alors que d’autres doivent être vus rapidement.
C'est dans cet objectif que, grâce à la téléexpertise, nous orientons beaucoup mieux le délai de prise en charge de nos patients et l’organisons au sein de notre structure avec des examens en amont ou des examens programmés le jour-même pour éviter au patient de se déplacer plusieurs fois.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Dr SOETHOUDT. Nous nous posons toujours la question de développer de nouveaux réseaux. Nous avons pu développer des réseaux avec des orthoptistes pour la pédiatrie dans l’optique de prioriser les demandes. Ce sont des orthoptistes libéraux qui vont, dans un premier temps, faire un examen de débrouillage qui va nous permettre de savoir si, oui ou non, il faut les voir et dans quels délais.
En parallèle, nous avons créé des réseaux fermés. C'est ce que nous avons fait avec des EHPAD où, grâce à Omnidoc, nous avons développé un réseau avec des infirmières, une orthoptiste et des médecins.
Cela permet de faire de la téléexpertise sur un dossier et de continuer ensuite la gestion du patient en poursuivant les échanges. Omnidoc est aussi très efficace là-dessus car chacun peut être connecté sur le réseau et avoir accès ensemble au patient.
Nous envisageons de développer la même chose avec des infirmiers, notamment pour les suites post-opératoires car nous savons qu'une prise en charge ne s'arrête pas à chirurgie et à la sortie de son hospitalisation. Aujourd’hui, grâce aux infirmières qui sont le recours sur place, on peut parfaitement imaginer un réseau avec de la téléexpertise et, pourquoi pas car Omnidoc le permet maintenant, de la téléconsultation assistée dans des cas plus complexes.
Enfin, nous souhaitons promouvoir au niveau national cette activité parce que nous sommes convaincus de ses avantages après plusieurs années de pratique. Nous mettons régulièrement en avant notre façon de travailler avec la téléexpertise, ce que cela nous apporte ainsi que pour les médecins qui demandent des avis et pour les patients.
Sur Rennes, nous organisons une journée nationale dédiée à la téléophtalmologie pour parler des de ses différentes pratiques. Aujourd’hui, la téléexpertise apporte une satisfaction globale. Personne ne se verrait revenir en arrière dans notre service et plus globalement au CHU de Rennes, avec un retour aux avis individuels sans utiliser de réseaux organisés.
Le mot de la fin ?
Dr SOETHOUDT. Le mot clé est “efficacité”. Efficacité de l'ensemble de nos problématiques dans la prise en charge des patients. Efficacité du réseau, efficacité pour le patient, efficacité pour les médecins… C'est vraiment ce qui est recherché et ce qui était parfois un petit peu difficile. Grâce à la téléexpertise, on remet du lien entre médecins, on remet du lien entre les différents professionnels de santé et ce au service du patient. C'est l'efficience garantie.